Anne Geneviève de Bourbon Condé par les frères Beaubrun

Née le 28 aout 1619 au chateau de Vincennes
Morte le 15 avril 1679 à Paris
Enterrée au couvent des Carmélites à Paris

Lorsqu’en 1656, François de la Rochefoucauld commencera à rédiger ce qui allait devenir ses Maximes, cela fait déjà cinq ans qu’il a rompu avec sa maîtresse, la belle duchesse de Longueville. Amer et rancunier, ses premières Maximes seront rédigées ainsi :

« les amants ne voient les défauts de leurs maîtresses que lorsque leur enchantement est fini » ou « il est du véritable amour comme de l’apparition des esprits ; tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu ».

Et pourtant Anne Geneviève de Bourbon Condé et lui ont partagé cinq années de passion furieuse et amoureuse qui les ont entraîné à mettre la France sans dessus dessous aux plus beaux jours de la Fronde. Voici comment tout commença :

 Anne Geneviève de Bourbon Condé voit le jour en prison le 28 août 1619 au château de Vincennes qui est alors une prison d’Etat et le domicile de ses parents : Henri II de Bourbon Condé a été emprisonné pour complot contre Concini, favori de Marie de Médicis en 1616. Sa femme, Charlotte Marguerite de Montmorency (qui fut la dernière passion de Henri IV) vient le rejoindre de son plein gré en 1617. Le rapprochement des époux donnera naissance à deux enfants en 1617 et 1618 qui mourront presque aussitôt. Lorsqu’Anne Geneviève vient au monde, sa mère est bien déterminée à ce que celle-ci vive, et elle exige des conditions de détention plus souples. Le pardon de Louis XIII en 1620 permettra aux époux Condé de regagner Paris où ils auront deux autres enfants : Louis en 1621 (le futur Grand Condé) et Armand en 1629 (futur prince de Conti).

Charlotte de Montmorency la dernière passion d’Henri IV (et mère d’Anne Geneviève)

Anne Geneviève est alors envoyée au couvent des Carmélites (rue Saint Jacques) à Paris afin d’y parfaire son éducation jusqu’au jour où son père décidera de la marier. Jusqu’à ses seize ans, elle va apprendre à broder, un peu à lire, (elle adore les pièces de Corneille), très peu à écrire, et elle va rêver à sa destinée. Elle a peu de nouvelles du monde extérieur : sa mère est devenue une intime de la reine Anne d’Autriche qui la tient en haute estime, mais elle apprend que ses parents se sont séparés : Henri II de Bourbon prince de Condé, a emmené son fils Louis avec lui et complote maladroitement contre le nouveau ministre du roi : le cardinal de Richelieu.

Anne Genevieve de Bourbon Condé, adolescente

En 1632, le frère de sa mère, Henri II de Montmorency complote contre le roi et Richelieu : la sentence est terrible, il est jugé et décapité.

Cette sentence jette un froid parmi les Grands du royaume qui, pour un temps, se rendent compte qu’il ne faut pas badiner avec le pouvoir royal. Le prince de Condé revient à Paris faire sa soumission au roi et décide qu’il est temps de présenter sa fille à la cour : en 1635, Anne Geneviève, âgée de 16 ans, quitte son couvent, et rencontre le monde fascinant de la noblesse et de la cour de France. Elle refait connaissance avec son frère Louis sur qui elle aura une grande influence. Sa présence est un succès à la Cour, elle possède des cheveux d’une blondeur dorée et des yeux pervenches, et bientôt, les demandes de mariage s’accumulent à l’Hôtel de Condé.

Portrait d’Anne Geneviève de Bourbon Condé, adolescente

A la grande surprise de tout le monde, le père d’Anne Geneviève décide de la marier à un homme de 46 ans, veuf de surcroît et passablement laid : Henri II d’Orléans duc de Longueville. Mais cet homme est puissant, riche, et gouverneur de Normandie.

De plus, sa première femme était une Bourbon Condé et il désire « rester » dans la famille. Le 2 juin 1642, Anne Geneviève (âgée de 23 ans) épouse à l’Hôtel de Condé son vieux barbon de mari qu’elle n’aime pas et n’aimera jamais. Pour compléter le tableau, le duc de Longueville retournera dès le lendemain des noces dans le lit de sa maîtresse, la belle duchesse de Montbazon.

Henri II de Bourbon Condé (le père d’Anne Geneviève)

Anne Geneviève n’est pas heureuse, et se console en se disant que son frère Louis n’est pas mieux loti par son mariage un an plus tôt avec Claire Clémence de Maillé Brézé (nièce de Richelieu) qu’il s’emploiera à rendre la plus misérable possible.

Au moins son mari ne l’emmène pas constamment en Normandie lorsqu’il exerce sa charge, et elle peut profiter de l’animation de la Cour et des hommages que les seigneurs s’empressent de lui adresser. Et les choses évoluent à la cour : en 1642, Richelieu meurt, et un an après c’est le tour de Louis XIII. La reine Anne d’Autriche est alors régente.

En 1644, Anne Geneviève met au monde sa première fille Charlotte Louise (qui mourra l’année d’après). N’ayant pas l’esprit maternel, Anne s’empresse de rejoindre la Cour car elle a un défaut : elle adore les compliments ; elle estime qu’étant issue d’une des plus grandes familles de France, elle est en droit d’attendre qu’on la flatte. Et justement, les flatteurs sont légion, chacun cherchant à consoler la jolie épouse délaissée du vieux duc de Longueville.

Henri II d’Orléans,  duc de Longueville (vingt trois ans le sépare de son épouse) – portrait par Dumonstier en 1632

Or, Anne a remarqué à la cour un jeune homme brun, très beau, qui se nomme François prince de Marcillac. Anne sait qu’il a été l’amant de la duchesse de Chevreuse, qu’il est marié (il a 6 enfants) et qu’il est très ambitieux. Il vient de participer à une série de campagnes militaires (Rocroi en 1643, St Venant en 1645) et va bientôt être nommé maréchal de camp.

Dès leur premier regard, c’est la passion absolue et ils ne vont plus se quitter. Les langues vont bon train, mais le duc de Longueville est conciliant : il est de bon ton de ne pas se montrer jaloux de l’amant de sa femme.

Car Anne a franchi le pas et vit sa passion sans retenue. Le prince de Marcillac a 32 ans, il connaît les femmes et la beauté d’Anne Geneviève le retient dans ses filets.

François de la Rochefoucauld (alors prince de Marcillac), amant d’Anne Geneviève de Bourbon Condé

En 1646, il repart en campagne militaire alors qu’Anne Geneviève accouche de son premier fils : Jean Louis futur duc de Longueville.

Lorsque le prince de Marcillac est blessé à la bataille de Mardick et rapatrié à Paris, la duchesse de Longueville ne quitte pas son chevet. C’est d’autant plus pratique que l’épouse de Marcillac vit en Poitou au château de Verteuil où elle élève ses enfants. Mais les longues heures de chevet vont déboucher sur des idées folles : Anne déteste Mazarin, nouveau ministre de la Reine, et se verrait bien tenir un rôle politique en mettant son frère Louis comme régent à la place d’Anne d’Autriche. Les mécontents s’accumulent contre Mazarin, et les nobles commencent à se liguer contre la Régente.

Anne Geneviève de Bourbon Condé duchesse de Longueville

En 1647, Anne Geneviève accouche de sa deuxième fille Marie Gabrielle (qui décèdera en 1650), et tenaille son amant pour qu’il entre lui aussi dans le parti des mécontents. En 1648, la fronde parlementaire éclate, Marcillac qui s’est vu refuser un poste par Mazarin bascule alors, lui aussi, dans la Fronde. La duchesse de Longueville rallie aux rangs des mécontents son mari et ses deux frères : Condé et Conti. Anne d’Autriche et son ministre fuient la capitale et Anne Geneviève s’installe à l’Hôtel de Ville. Elle est alors au dernier mois de sa quatrième grossesse et elle accouche de son deuxième fils, Charles Paris, en janvier 1649, dont le père est incontestablement le prince de Marcillac. On se bat alors aux portes de Paris entre les frondeurs et l’armée royale, et Anne participe au traité de paix entre les frondeurs et le pouvoir exigeant l’amnistie des frondeurs.

Charles Paris duc de Longueville (fils d’Anne Geneviève et de son amant le prince de Marcillac) né en 1649

En fait de pardon, son mari et ses deux frères, Condé et Conti (qu’elle a entraîné dans la Fronde) sont arrêtés et conduits à Vincennes. Quant à Anne, elle prend la fuite avec Marcillac : elle a décidé de soulever la Normandie, et lui, de soulever la province du Poitou dont il est le gouverneur. A Dieppe, ils se quittent dans l’espoir de se retrouver très vite.

Mais la Normandie, fidèle à la Reine ne se soulève pas. Anne Geneviève embarque alors pour la Hollande, rejointe par Turenne (qui l’adore) d’où elle organise la résistance contre Mazarin. Entre temps, le prince de Marcillac est devenu en 1650 duc de la Rochefoucauld à la mort de son père, et cerné par les troupes royales, demande son pardon à genou au jeune roi Louis XIV. En 1651, il reprend ses intrigues à l’instigation d’Anne Geneviève qui a réussi à gagner la ville de Bordeaux et organise l’armée des Frondeurs.

Or, à Bordeaux, Anne Geneviève accomplit l’irréparable : elle le trompe avec Henri II de Savoie, duc de Nemours (époux de sa belle fille Marie, née du premier mariage de Longueville). Est-ce qu’elle s’est sentie seule, ou est elle tombée dans le panneau des flatteries qu’on lui adresse ? En tout cas, François l’apprend, et tout aussitôt, il romp avec elle. Pour lui, la Fronde n’a plus lieu d’être, et puis il a été gravement blessé en 1652 au faubourg St Antoine à Paris. Il se retire en Angoumois en 1653. Les derniers Frondeurs qui se tenaient encore à Bordeaux vont peu à peu rejoindre Paris pour gagner le pardon du roi.

Anne Geneviève va elle aussi regagner Paris, et l’hôtel de son mari le duc de Longueville. Elle n’a plus aucune nouvelle de François de la Rochefoucauld, il refuse de répondre aux courriers qu’elle lui adresse. Son dernier amant, le duc de Nemours se fera tuer en duel en 1659. Quant à son époux, sorti de prison, il préfère regagner Rouen et vivre les dernières années de sa vie dans sa province de Normandie accompagné de ses deux fils : Jean Louis qui deviendra fou, et Charles Paris, le bâtard de la Rochefoucauld qu’il a reconnu comme étant de lui.

Anne Geneviève se retrouve seule, à Paris, bannie de la cour.

Le Grand Condé, frère d’Anne Geneviève de Bourbon Condé

En 1663, son mari meurt (à 68 ans) et Anne Geneviève abandonnée de tous et en disgrâce décide d’entrer en religion. Elle a alors 44 ans, a gardé toute sa beauté mais se rapproche maintenant des idées des jansénistes qu’elle protège. Elle fera de fréquents séjours à Port Royal des Champs, puis à Paris, où elle décèdera le 15 avril 1679.

Quant à François de la Rochefoucauld, il commencera la rédaction de ses Maximes qui obtiendront un beau succès ; il fréquentera le salon littéraire de la marquise de Sablé, assistera au mariage de Mme de Sévigné, et refusera l’Académie Française en 1676.

Mme de Longueville, vers 45 ans

Il mourra à Paris en mars 1680 ayant fait brûler quelques heures avant sa mort, tous les papiers personnels que lui avait adressé la belle duchesse de Longueville : celle qui fut sa plus grande passion et sa plus grande perte.

Il laissera, entre autres, deux Maximes révélatrices :

« on garde longtemps son premier amant quand on n’en prend point de second » et « le bien qu’on nous a fait veut que nous respections le mal que l’on nous a fait après » indiquant qu’il avait enfin peut être pardonné la trahison de la plus passionnée des Frondeuses ….

Descendants d’Anne-Geneviève de Bourbon-Condé

Jusqu’aux petits-enfants.

Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville, née le 28 août 1619, Château de Vincennes, décédée le 15 avril 1679, Paris, couvent des Carmélites (à l’âge de 59 ans).
Mariée le 2 juin 1642 avec Henri II d’Orléans-Longueville, duc de Longueville et d’Estouteville, comte de Tancarville, comte de Saint-Pol (1631-1663), né le 25 avril 1595, Amiens, décédé en 1663 (à l’âge de 68 ans), dont

• Charlotte-Louise, née le 4 février 1644, Paris, décédée le 30 avril 1645, Paris, inhumée, Paris (à l’âge de 14 mois).
• Jean-Louis, duc de Longueville et d’Estouteville, comte de Dunois – 24 février 1671, comte de Saint-Pol, né le 12 janvier 1646, Paris, décédé le 4 février 1694, abbaye de Saint-Georges de Boscherville, Rouen (76) (à l’âge de 48 ans), prêtre en décembre 1669.
• Marie-Gabrielle, née vers 1647, décédée en 1650, Paris (à l’âge de peut-être 3 ans).
• Charles-Paris, duc de Longueville et d’Estouteville, comte de Saint-Pol et de Dunois, né le 28 janvier 1649, Paris, tué le 12 juin 1672, Tolhuys, Pays-Bas (à l’âge de 23 ans).
  Relation avec Madeleine d’Angennes, dame de La Loupe, née en 1629, baptisée le 8 mai 1635, château de La Loupe, La Loupe (Eure-et-Loir), décédée le 16 mars 1714 (à l’âge de 85 ans), dont

• Charles-Louis, né le 17 décembre 1670, Sevran, décédé le 1er novembre 1688, Philipsburg (à l’âge de 17 ans).

Total: 5 personnes (conjoints non compris).