Portrait lors de son mariage en 1365
Née au Palais de Woodstock le 16 juin 1332
Morte en avril 1379 à Londres
Enterrée dans l’église des Grey Friards (les « Frères Gris ») à Londres
Isabelle d’Angleterre était la fille ainée et le deuxième enfant du couple Edouard III roi d’Angleterre et de son épouse Philippa de Hainaut. A sa naissance, son père a vingt ans, et sa mère en a dix huit. Son père règne sur l’Angleterre légalement depuis qu’il a l’âge de quinze ans. Le couple qu’il forme avec Philippa est un couple très uni, et au fil des années, son épouse donnera le jour à douze enfants. Le premier d’entre eux est Edouard, que l’histoire connaitra sous le surnom de « Prince Noir » et qui est né deux ans avant Isabelle.
Lorsqu’elle nait au palais Royal de Woodstock, la fille ainée du roi reçoit le prénom d’Isabelle en hommage à sa grand mère paternelle, Isabelle de France, fille du roi de France Philippe IV et épouse du roi d’Angleterre Edouard II.
Edouard III, roi d’Angleterre (père d’Isabelle)
Le roi Edouard III montrera toute sa vie une préférence pour sa fille ainée. Déjà toute jeune, elle est l’enfant la plus choyée du couple royal. Elle dort dans un berceau doré recouvert de taffetas et bordé d’une couverture de fourrures de prix. Toutes les robes de la jeune princesse seront importées d’Italie et constituées de soie, relevées de pierres précieuses et soulignées de bordures de fourrures. Au fur et à mesure qu’elle grandit, Isabelle d’Angleterre aura droit à ses serviteurs personnels : un chapelain, des musiciens, trois dames d’honneur, un gouverneur entièrement dédié à la tenue de la maison de la princesse, ainsi que des écuyers, des clercs, des majordomes, des cuisiniers, bref une succession de serviteurs digne d’une princesse royale. A l’age de sept ans, son éducation fut confiée à lord et lady William et Elizabeth St Omer et elle partit vivre avec eux. Son frère ainé, Edouard bénéficiera aussi de cette tutelle ainsi que leur sœur Jeanne (née tout de suite après Isabelle en 1333).
Philippa de Hainaut reine d’Angleterre (mère d’Isabelle)
En tant que fille ainée du roi Edouard III, elle fut dès son plus jeune âge placée sur le marché du mariage. A trois ans, son père envisagea de la marier à Pierre, fils et héritier du roi de Castille, mais en fait ce fut Jeanne, la sœur d’Isabelle qui sera amenée à épouser ce dernier (elle mourra d’ailleurs de la peste en 1348 sur le chemin qui l’emmenera en Castille pour accomplir la cérémonie du mariage).
Les contemporains de la cour d’Edouard ont décrit la princesse Isabelle ainsi : elle était très sûre d’elle, gâtée, extravagante dans ses comportements vestimentaires et ayant une très haute opinion d’elle même. Tant et si bien qu’elle sera fiancée cinq fois, et qu’elle renoncera à ses prétendants, sans que son père Edouard ne lui en tienne rigueur, souvent pour des prétextes futiles.
Edouard III roi d’Angleterre et son fils Edouard, (le « prince noir ») recevant le duché d’Aquitaine
A l’âge de dix neuf ans, son père avait arrangé son mariage avec Bernard d’Albret un seigneur de Gascogne partisan de la politique du roi d’Angleterre. Le 15 novembre 1351, cinq navires se présentèrent au port de Londres afin de l’embarquer vers la France pour s’unir à son futur époux, qui était le deuxième fils de Bernard IV seigneur d’Albret. Mais au moment du départ, la princesse Isabelle changea d’avis et refusa cette union. Le roi Edouard renvoya les navires et rompit les tractations du mariage. Il ne semble pas avoir été contrarié par le comportement de sa fille puisqu’il lui accordera les revenus du prieuré de Burtsall dans le Yorkshire, trois ans plus tard en 1355. Il lui avait auparavant accordé un revenu annuel de 1 000 marks par an.
Physiquement, Isabelle d’Angleterre est décrite comme une brune aux yeux noisettes avec un teint plutôt pâle, voire maladif.
Mais son caractère imprévisible l’avait amenée à l’age de trente trois ans à être toujours célibataire à la cour de son père le roi Edouard III. Beaucoup pensait qu’elle finirait vieille fille.
Quel ne fut pas l’étonnement de tous lorsqu’on apprit que la princesse Isabelle allait enfin se marier et que son choix s’était porté sur un français qui était prisonnier de son père depuis plus de cinq ans.
Le futur époux se nommait Enguerrand VII de Coucy. Il avait sept ans de moins qu’Isabelle et était extrêmement riche en France. Il était prisonnier des Anglais depuis 1360 (faisant partie des prisonniers établis par le Traité de Brétigny), depuis l’échange en faveur de la libération du roi de France Jean II le bon. Mais incapable de réunir la rançon demandée par le roi anglais, le roi Jean était revenu à Londres pour y mourir le 8 avril 1364.
Pendant cinq ans, le jeune Enguerrand avait brillé par son intelligence, sa courtoisie, et son sens aigûe de l’honneur. Le roi Edouard III avait reconnu la qualité du jeune seigneur et lui avait accordé la main de sa fille. Il est vraisemblable qu’il envisageait dans le futur d’utiliser son gendre dans la guerre rivale qui l’opposait à Jean II le Bon, (puis au fils de celui-ci le roi Charles V), surtout depuis qu’il revendiquait le trône de France comme le sien, puisque par sa mère il était le petit fils de Philippe IV le Bel.
Enguerrand VII de Coucy, époux d’Isabelle
Le jeune couple fut uni le 27 juillet 1365 au château de Windsor. Les fêtes nuptiales furent magnifiques : le roi dépensa 100 livres pour un groupe de ménestrels. Le marié et la mariée reçurent tous les deux une couronne décorée de saphirs et de diamants. Le roi Edouard III donna à sa fille une énorme dot annuelle, ainsi que de nombreuses pierres précieuses (deux broches en or, quatre diamants, quatre saphirs, et des perles).
Au final les contemporains rapportèrent que le mariage coûta plus de 4 505 livres à la trésorerie anglaise, bien plus que les autres mariages organisées pour les autres filles d’Edouard : Jeanne, Mary et Margaret.
Quant à Enguerrand de Coucy, le roi d’Angleterre lui donna des terres qui se trouvaient dans le Yorkshire, dans le Lancaster, le Westmoreland et le Cumberland, et au final, il lui annonça qu’il était désormais libre de retourner en France sans avoir besoin de verser la rançon initialement demandée.
Mariage d’Isabelle d’Angleterre et d’Enguerrand seigneur de Coucy en 1365
Le jeune couple s’installa à Londres, puis quatre mois après le mariage, Enguerrand et Isabelle embarquèrent sur un navire qui les conduisit en France. Neuf mois après son mariage, Isabelle d’Angleterre donna le jour à son premier enfant, une fille prénommée Marie qui vit le jour au château familial de Coucy (dans l’Aisne) en avril 1366. Un mois après la naissance de son enfant, Isabelle et son mari retournèrent en Angleterre où le roi Edouard nommera Enguerrand comte de Bedford le 11 mai 1366. En 1367, le jeune couple est toujours en Angleterre où Isabellle donne naissance à sa deuxième fille, Philippa, au palais d’Eltham dans le courant du mois d’avril. A l’été 1367, Enguerrand reçoit du roi Edouard le titre de comte de Soissons, qui était venu dans les mains du roi anglais au travers du paiement d’une rançon d’un des prisonniers détenus à Londres à l’occasion du Traité de Brétigny de 1360.
Coucy le Chateau (dans l’Aisne) avant la destruction de 1917
Mais à partir de 1368, Enguerrand de Coucy, pris entre deux partis, celui du roi de France dont il était le sujet, et celui du roi d’Angleterre dont il était le gendre, se lança dans des guerres étrangères afin d’éviter de trancher sur sa loyauté entre les deux royaumes.
C’est ainsi qu’il se rendit en Italie où il fit de nombreuses campagnes. Il engagea aussi des luttes en Allemagne où il revendiquait l’héritage de sa mère, Catherine d’Autriche, qui était la fille de Leopold 1er, mais sans résultat.
Coucy le Chateau (dans l’Aisne) avant les destructions de 1917
Isabelle, devenue dame de Coucy, résidait principalement au formidable château de Coucy dans l’Aisne. Lors des fréquentes absences de son époux, elle se rendait en Angleterre près de son père, notamment lorsque ce dernier perdit son épouse Philippa en 1369.
En 1371, la plus jeune fille d’Isabelle et d’Enguerrand, Philippa, fut fiancée à Robert de Vere comte d’Oxford, et conformément aux coutumes de l’époque, la fillette (âgée de quatre ans) partit vivre en Angleterre dans la famille de son futur époux.
Robert de Vere, comte d’Oxford, duc d’Irlande (gendre d’Isabelle)
En 1376, Isabelle dame de Coucy fut nommée dame de l’ordre de la Jarretière par son père Edouard III qui était déjà aux prises avec la maladie qui allait l’emporter.
En septembre 1376, Edouard tomba malade suite à un abcès mal guéri. La nouvelle parvint à Isabelle qui était retournée en son château de Coucy. Au printemps 1377, elle était résolue à revoir son père et reprit le chemin de l’Angleterre.
Le 21 juin 1377, le roi Edouard III rendait l’âme victime d’une crise cardiaque en son château de Sheen, et la princesse Isabelle était présente à son chevet. C’est le petit fils du roi, Richard II (fils du Prince Noir) qui devait succéder à Edouard III. Quelques jours après le couronnement de Richard II, Enguerrand de Coucy renonçait officiellement à toutes les terres anglaises que lui avaient donné son beau père, révélant ainsi son entière adhésion et sa fidélité au roi de France Charles V.
Richard II roi d’Angleterre (neveu d’Isabelle)
C’est à partir de cet acte de renonciation que le couple Isabelle/Enguerrand se brisa. A la mort de son père, Isabelle ne retourna pas en France. Elle demeura à Londres où ses revenus anglais lui permettaient de vivre confortablement. Elle ne lui restait que deux ans à vivre : elle décéda dans des circonstances encore inconnues en avril 1379 et fut enterrée dans l’église des Frères Gris de Newgate près de Londres. Elle n’avait que quarante sept ans.
Enguerrand de Coucy attendra sept ans (en 1386) avant de se remarier avec Isabelle de Lorraine (fille du duc Jean 1er de Lorraine) qui lui donnera une fille, Isabelle, future comtesse de Nevers. Il aura une brillante carrière en France : nommé gouverneur de Bretagne en 1380, il sera tellement apprécié de Charles V que ce dernier lui proposera deux fois la position de Connétable de France qu’il refusera à chaque occasion. Il sera cependant l’un des conseillers du jeune roi Charles VI et prendra part à la chasse aux Anglais. Il dirigera même une expédition contre les Barbaresques sur les côtes d’Afrique.
La bataille de Nicopolis en 1396 où Enguerrand fut fait prisonnier par les troupes du sultan turc Bajazet
En 1396, il se lancera dans la folie de la dernière croisade contre les Turcs et combattit à la bataille de Nicopolis le 28 septembre qui fut un désastre pour l’armée française. La plupart des français capturés par les Turcs eurent la tête décapitée, seuls les nobles ayant suffisamment de richesse pour échapper à ce sort furent épargnés en échange d’une rançon. Enguerrand de Coucy figurait parmi eux.
A l’âge de cinquante six ans, il devait mourir des blessures et des mauvais soins reçus après la bataille de Nicopolis. Il rendit son dernier soupir dans le cachot qui le retenait à Buras en Anatolie, alors même que sa rançon en France, était sur le point d’être réunie. Seul son cœur fut récupéré par son écuyer qui alla l’enterrer dans l’abbaye de Villeneuve près de Soissons dans l’Aisne.
Coucy le Chateau (dans l’Aisne) après les destructions de 1917
Les enfants nés du mariage d’Isabelle d’Angleterre et d’Enguerrand n’eurent pas une destinée très heureuse : Marie de Coucy, la fille ainée et l’héritière des Coucy devait mourir à l’âge de trente huit ans après avoir épousé Henri de Bar (qui devait mourir à Trévise des suites de ses blessures reçues à la bataille de Nicopolis alors qu’il combattait aux côtés de son beau père Enguerrand de Coucy). A la mort d’Enguerrand, elle dut se battre vis à vis de sa belle mère, Isabelle de Lorraine, dame de Coucy, qui lui disputait son héritage. Puis, elle eut la malencontreuse idée de céder ses terres à Louis d’Orléans, le frère de Charles VI, contre une forte somme d’argent qu’elle ne reçut jamais. Lorsqu’elle mourut brutalement, le bruit courut que le duc d’Orléans l’avait empoisonné.
Louis d’Orléans rachètera les terres des seigneurs de Coucy à la fille d’Isabelle, Marie de Coucy
Quant à Philippa de Coucy, la plus jeune fille, son sort fut encore plus tragique. Mariée dès l’age de quatre ans au comte d’Oxford, (qui deviendra plus tard duc d’Irlande), elle en devint effectivement l’épouse à l’âge de neuf ans, le 5 octobre 1376. Mais le mariage ne fut jamais consommé, lorsqu’elle eut vingt ans, son époux (qui en avait vingt cinq) la répudia brutalement pour épouser sa maitresse, Agnes de Launcekrona, une dame d’honneur tchèque de la reine Anne de Bohème (épouse du roi Richard II). Philippa de Coucy devait mourir à l’âge de quarante quatre, sans enfants ayant toujours gardé le titre de duchesse d’Irlande.
Quant à la demeure d’Isabelle et d’Enguerrand, le château de Coucy (dans l’Aisne), il fut occupé par les troupes allemandes en 1917. Avant de se retirer devant l’avance de l’armée française, les allemands dynamitèrent le donjon du château de Coucy en mars 1917 ne laissant plus que des ruines. Ce donjon était haut de 54 mètres et était l’un des plus hauts donjons de France. Les murs à sa base atteignaient 7,50 mètres d’épaisseur ! Ce que le génie des hommes en 1225 avait réussi à accomplir, la bétise de la guerre réduisit ce chef d’oeuvre à néant. Il fallut tout de même 28 tonnes d’explosif pour le réduire en tas de pierres.
Le chateau de Coucy tel que ce l’imaginera Viollet le duc, architecte du XIXème siècle
Quant à la ville de Coucy, elle ne fut pas non plus épargnée en 1917. On peut tout de même visiter les vestiges de ses remparts, ainsi que ce qui reste du château ouvert à la visite. Une fête médiévale baptisée « Coucy la Merveille » (juillet 2014), une Foire médiévale (avril 2014) et des visites nocturnes permettent de se replonger au temps des derniers seigneurs de Coucy.
Descendants d’Isabelle d’Angeleterre, dame de Coucy :
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Jusqu’aux arrière-petits-enfants.
Isabella Plantagenêt, Princess of England, comtesse de Soissons (1365), née le 16 juin 1332, Woodstock Palace, Oxfordshire, décédée le 4 mai 1379, Londres, inhumée, Grey friars Church (à l’âge de 46 ans).
Mariée le 27 juillet 1365, Windsor Castle, avec Enguerrand de Coucy, seigneur de Coucy, comte de Soissons, Earl of Bedford, né en 1339, décédé le 18 février 1397, Burse (Bithynie, Turquie) ; alors prisonnier des turcs, inhumé, Abbaye de Villeneuve à Soissons (à l’âge de 58 ans), dont
- Marie, comtesse de Soissons (18 février 1397 – 23 mai 1404), dame de Coucy et de La Fère (18 février 1397 – 15 novembre 1400), dame de Ham, de Pinon, de Montcornet et d’Origny (18 février 1397 – 23 mai 1404), dame de Marle (18 février 1397 – 15 novembre 1400), dame d’Oisy (18 février 1397), née en avril 1366, décédée après 22 septembre 1406.
Mariée en janvier 1384 avec Henri de Bar, marquis de Pont-à-Mousson, seigneur d’Oisy, né vers 1366, décédé en novembre 1398, Trévise (à l’âge de peut-être 32 ans), dont
- Enguerrand, mort jeune.
- Robert, écuyer , comte de Marle et de Soissons, né vers 1384, tué le 25 octobre 1415, Azincourt (à l’âge de peut-être 31 ans), bouteiller de France, membre du conseil du roi, président lai de la chambre des comptes, commandant de l’arrière-garde de l’armée royale.
Marié le 16 février 1409 avec Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux, décédée en 1450, dont
- Jeanne, comtesse de Soissons et de Marle, dame de Ham, née vers 1415, décédée vers 1462 (à l’âge de peut-être 47 ans).
Mariée vers 16 juillet 1435 avec Louis de Luxembourg, comte de Brienne, de Saint-Pol et de Conversano (1433-1475), comte de Marle et de Soissons (1435-1475), comte de Ligny et de Guise (1441-1475), seigneur de Guise et du Nouvion-en-Thiérache(Aisne), seigneur de Ham (1462), né en 1418, exécuté le 19 décembre 1475, Paris (à l’âge de 57 ans), gouverneur de Normandie (1466-1475), connétable de France.
- Philippa, née le 3 novembre 1367, décédée en octobre 1411 (à l’âge de 43 ans).
Mariée le 5 octobre 1376 avec Robert de Vere, Earl of Oxford (9e), Duke of Ireland (1er, 1386), né vers 1362, tué en 1392, Louvain (à l’âge de peut-être 30 ans), grand Chambellan héréditaire..
Total: 5 personnes (conjoints non compris).
Bravo pour l’ensemble. Merci pour les photos. Une approche du personnage intéressante dans ses rapports avec sa belle famille